Autobiographie relative à la genèse du Mime Corporel
(Extrais de Paroles sur le mime – Librairie Théâtrale - 1963)
Mes prédispositions.
Pour transformer les choses, l’homme les touche.
Si sa main ne le peut, il touche avec l’outil ; qu’il touche.
Des Beaux-Arts, ceux que je préfère sont ceux qui représentent ce qui ce touche et qu’on touche, qui sont pratiqués en touchant, dont l’ouvre achevée peut être touchée par l’appréciateur.
J’aurais voulu être sculpteur.
L’esprit ne vaut que filtré par la pierre.
La statuaire est un art sculpté dans le réel et qui ne loge pas à l’hôtel.
Le modèle du sculpteur est ce transformateur que l’on touche et qui touche et dont le nom est homme. En transformant la pierre, le statuaire la touche et, son ouvre finie, nous pouvons la toucher.
J’aurais voulu être poète.
La poésie rythmée est celle que je préfère, car il me semble alors que pour gagner ce rythme, on a sculpté le verbe.
Je désire que l’acteur, acceptant l’artifice, sculpte l’air et fasse sentir où le vers commence et où il se finit.
J’étais fait pour aimer le mime.
Le corps est un gant dont le doigt serait la pensée.
Pensée, poussée, pouce et pincée qui sont presque homonymes, sont presque synonymes.
Notre pensée pousse nos gestes ainsi qu’un pouce de statuaire pousse des formes ; et notre corps, sculpté de l’intérieur, se plie.
Le mime est à la fois statuaire et statue.
(…)
Etienne Decroux – janvier 1948